Aidants et handicap. Un challenge du quotidien

En France, le handicap concerne 12 millions de personnes, soit 18 % de la population française. Près de 5 millions ont moins de 15 ans. Les membres de la famille sont dans la majorité des cas impliqués dans l’aide au quotidien.

C’est plus de 6,5 millions de salariés aidants en France qui sont engagés dans l’accompagnement d’un proche en perte d’autonomie. Afin de mieux comprendre les difficultés inhérentes à cette situation, nous avons réalisé différents entretiens, dont celui avec Marine, cheffe d’entreprise, mère de trois enfants, dont le dernier, Hector, qui a aujourd’hui 10 ans, est atteint d’une déficience rare.

Du diagnostic à la compréhension. Vers la recherche de solutions.

Hector, pendant son enfance était calme, trop calme. Il est en fait atteint d’une dyspraxie mixte (des anomalies de la planification et de l’automatisation des gestes volontaires) très importante, avec des troubles neuro-visuels qui affectent sa scolarité, et d’un TDA (trouble du neurodéveloppement) très important. 

Au début, Hector est suivi par un neuropédiatre qui va orienter Marine vers un SESSAD (Service d'Education Spéciale et de Soins à Domicile). Les SESSAD sont constitués d'équipes pluridisciplinaires dont l'action consiste à apporter un soutien spécialisé aux enfants et adolescents maintenus dans leur milieu ordinaire de vie et d'éducation. 

Le diagnostic n’a pas été immédiat et donc a retardé la prise en charge adaptée. C’est dans cet environnement psychologique que les parents et les proches, sans même recevoir un suivi d’aide, doivent gérer à la fois l’aide à la personne et aussi faire face à un environnement social complexe. 

Aidant et environnement social

La prise de conscience et l’acceptation du handicap peuvent-être un bouleversement pour la famille et les parents. Marine nous confie : 

  « Il y a aussi pour un parent toute une phase d’acception, qui passe par de multiples étapes. La culpabilité, la révolte puis l’acceptation pour repartir. Enfin, maintenant c’est vrai qu’avec plus de soutien et d’accompagnement ça aurait été mieux, parce que, oui, c’est très dur ». 

Marine a « assuré » pendant les premiers quatre ans. Ensuite elle a demandé sérieusement de l’aide à son mari qui s’est finalement impliqué plus dans le suivi. 

Mais cette situation nouvelle, par rapport aux attentes des autres enfants, peut aussi provoquer des tensions intrafamiliales, comme l’évoque Marine ; cette dernière se culpabilisant aussi, pensant ne savoir faire face : 

« La fratrie se sentait jalouse, car Hector était au centre de l’attention. Ils ont beaucoup d’affection pour lui, même si pendant une période ça a été difficile pour eux ». 

Ainsi, les parents font face à une charge mentale importante, qui de plus est alimentée par le regard des autres. 

« Certaines personnes de l’entourage considèrent Hector comme débile complet, tandis que d’autres le considèrent comme une personne normale. Mais ce n’est pas évident pour ces personnes de m’aider et d’interagir avec lui ». 

Néanmoins, Marine est malgré tout bien entourée par des professionnels amis. Si la charge mentale est forte pour les aidants dans leur quotidien, les formalités administratives qui accompagnent le handicap, n’en sont pas moins une autre source de stress. 

Aidant et administrations.

La prise en charge du handicap, du suivi, des soins etc. peuvent très vite s’avérer un parcours empli d’embuches et d’interrogations. 

Marine, une fois le diagnostic posé, a cherché des conseils auprès de psychologues. Il y avait très peu d’orientation. Pour trouver des professionnels, cette dernière a eu de la chance d’avoir des amis orthophonistes, psychologues, etc.  

« Aujourd’hui, Hector est suivi par deux ortho, une ergo, une psychomot, suivi à l’école aussi, par une orthoptiste ». 

De même, les parents, confrontés au système administratif, ont des droits à faire valoir, comme ceux inclus dans le dossier MDPH (Maison Départementale pour les Personnes Handicapées). Cela implique une aide financière non négligeable, si bien rempli. 

« C’est un peu du chinois au début ; j’ai contacté un assistant social qui m’a aidé à remplir le dossier. Les explications sur la MDPH et autres démarches publiques ne sont pas claires ; j’ai eu de la chance de tomber sur quelqu’un qui s’y connait bien, et ça vaut le coup d’avoir un coup de main pour comprendre le pourquoi du comment ». 

Pour les aidants, non seulement il est complexe de trouver et d’appréhender les informations utiles, mais de plus, ces derniers sont confrontés aux difficultés structurelles de l’Etat pour l’accompagnement du handicap. 

Dans le cas d’Hector, la difficulté première est celle de la scolarisation. 

« Il a commencé en maternelle dans l’école publique du coin, mais ce n’était pas facile car les profs ne comprenaient pas, surtout que le diagnostic n’était pas très clair. Pour la plupart des gens c’était l’incompréhension et en plus il ne parlait pas beaucoup […] Il était regardé soit comme un débile, soit ignoré complètement ». 

Si l’école « classique » paraît incompatible à la situation de cet enfant, la société accentue la solitude des parents confrontés à l’incompréhension : 

« J’ai décidé rapidement d’en sortir (de l’école classique) parce que ça aurait été très difficile pour Hector, et j’avoue que c’était aussi difficile pour moi, de faire face aux commentaires, aux regards, alors que c’est un petit garçon adorable, et qu’il n’avait pas en plus un côté handicap physique marqué. Malgré ça, il y avait quand même des remarques qui étaient absolument déplacées et en fait très difficiles. Donc là, je me suis dit, on va sortir de là ». 

Marine a donc cherché des écoles privées (recherches personnelles sur internet). Elle a eu pas mal de rendez-vous pour choisir le meilleur établissement. Finalement Hector est allé dans une école hors contrat. Situation inchangée à ce jour. 

Il faut savoir que le nombre d'enfants en situation de handicap accueillis à l'école est de plus de 430 000 en 2023, pour 136 000 accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). 

Malgré tout, des milliers d'enfants en situation de handicap se retrouvent exclus du système éducatif. Un quart de ces derniers n'ont « aucune heure de scolarisation » par semaine. 

Si aujourd’hui, Hector est suivi par de multiples professionnels, le quotidien de l’aidant est toujours jalonné de difficultés. Le suivi et les interactions entre les différents acteurs en fait partie. Pour Marine, il y a un manque de communication entre ces professionnels, même si ce qu’ils font est lié. Marine a fait elle-même un espace avec les comptes rendus, les photos, les informations de contact, les bilans faits, etc. L’école aussi peut y avoir accès. 

« Mais les pros ne se servent pas vraiment de cet espace car ils n’aiment pas, ou ils ne savent pas s’en servir ». 

A chaque étage de la prise en charge du handicap, l’aidant se trouve être aussi celui qui a le plus besoin d’aide constante. 

Répondre aux problématiques d’aujourd’hui et de demain

Au regard de cet entretien, différents éléments visibles ressortent. 

Nous pouvons sans aucun doute affirmer qu’il y a un manque de centralisation des renseignements utiles. Les aidants ne savent pas, ne sont pas informés, comme, par exemple ici, l’orientation scolaire de l’enfant, quelle structure, quelles aides … ? 

Dans la multiplicité et la complexité des aides, il y a globalement un manque de clarté et d’accès pour les aidants. A quoi a-t-on droit, est-ce utile … ? 

Il est nécessaire d’avoir une bonne architecture, une clarté et une simplicité de l’usage, ainsi qu’un parcours d’accompagnement complet pour l’enfant. 

Enfin, les aidants se retrouvent seuls, confrontés à de multiples obstacles et sans une reconnaissance ou aide. La charge mentale, le poids des démarches, l’exigence du quotidien sont totalement ignorés par les institutions, publiques ou privées. 

C’est pour répondre à ces nombreuses difficultés que Sawa s’engage, au travers de nombreuses aides, auprès des aidants, dans la recherche d’un mieux-être. 

  • Note : Les prénoms ont été modifiés

  • Sources : DREES, Mon Parcours Handicap

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